Stéphane, comment devient-on Greenkeeper ?
Tout d’abord je précise que si l’intitulé greenkeeper est couramment utilisé, mon titre professionnel est celui d’intendant. J’ai suivi une formation bac +3 à Neuvic. Aujourd’hui cette formation se déroule à DUNKERQUE. C’est une formation apprentissage. J’ai donc passé deux ans dans un golf de la région parisienne et j’ai obtenu mon diplôme.
Ce sont des études qui portent beaucoup sur la biologie du sol et qui se rapprochent des études d’agronomie.
J’ai travaillé ensuite pendant vingt ans en région parisienne dans différents golfs et notamment au Golf de JOYENVAL comme intendant adjoint où je gérais 25 jardiniers. J’ai exercé ensuite comme intendant au golf de Gadoncourt pendant dix ans. Je suis aussi passé par la nouvelle Calédonie puis je suis arrivé au golf de Cicé qui était aussi NGF.
Aujourd’hui on peut avec une ancienneté de 5 ans comme jardinier faire une formation pour devenir intendant en restant salarié.
C’est quoi la mission du greenkeeper ?
Au quotidien c’est de gérer l’entretien des parcours, de gérer son équipe et gérer les budgets définis avec le directeur du golf. Il y a aussi l’entretien des environnements, la taille des arbres, l’entretien des fossés. Pour ces missions nous sommes une équipe de 5 personnes.
Quelle est la particularité de Cicé pour l’entretien ? `
Le fait d’avoir beaucoup de plans d’eau génère des contraintes particulières. L’été la tonte nous occupe presque à temps complet et l’hiver les abords des plans d’eau sont gras et glissants et difficiles à travailler. On fait appel à une société extérieure pour une partie de ces travaux Tous les côtés du lac entre le 1 et le 10 viennent d’être nettoyés. On aimerait faire cette année le bord du plan d’eau du 8 pour mettre en valeur les bassins.
Le changement climatique, comment tu le perçois ?
Nous avons des températures qu’on ne connaissait pas avant et les gazons souffrent énormément. Or, nous avons été confrontés aux interdictions d’arroser, y compris les greens. C’est dommage dans la mesure où, contrairement à d’autres nous nous étions engagés à respecter la charte sur l’eau avec une réduction de consommation de plus de 30 %. Si nous perdons les greens, nous perdons les golfeurs et toute l’activité économique s’effondre. Et nous avons été très près de perdre nos greens, ça s’est joué à quelques jours.
Comment la situation va évoluer avec la loi Labbé ?
En théorie les produits phytosanitaires seront interdits y compris sur les greens. On travaille sur cette problématique depuis des années et il y a déjà des golfs qui essaient de travailler sans produits phytosanitaires. Mais on n’y arrive pas. Le greenkeeper de Toulouse téoula travaille sans phytos depuis plus de 20 ans mais quand il a une attaque de maladie il est obligé d’utiliser un fongicide. Si on ne conserve pas ce droit on perdra nos greens car on a une maladie qui s’appelle le Dollar spot. Cette maladie nous ne l’avions que par temps chaud, en août souvent. On la traitait et c’était réglé. Cette maladie s’est adaptée à notre climat et elle peut être active d’avril à octobre. De plus s’est aussi adaptée aux molécules autorisées et elle revient de manière récurrente. C’est un champignon qui mange le gazon.
On ne peut pas aller vers les greens artificiels qui n’ont pas le même rendu. On essaie de mettre en place des bio fongicides qui sont des « bons champignons » capables de « manger » les « mauvais champignons ». On utilise aussi beaucoup de bactéries qui ont les mêmes propriétés. Ces traitements nécessitent énormément de manipulations et donc beaucoup de temps sur les parcours, temps pris sur le temps réservé aux golfeurs. On doit agir dès les premiers symptômes.
La tendance qui se dégage serait d’avoir un usage phyto limité et encadré par des spécialistes qui constateraient le problème et autoriseraient ponctuellement l’usage pour éviter les abus qu’on a pu connaître. D’une certaine manière on travaillerait sur ordonnance.
Les produits que nous utilisons n’ont aucun effet sur les insectes, ils ont effet seulement sur les champignons. La preuve en est que les vers de terre sont très présents sur les greens.
En ce qui concerne les arrosages nous nous limitons aux seuls greens. Ceci nous permet de limiter drastiquement la consommation. Certains golfs ont une autre politique, notamment ceux proches des sites touristiques.
Quelles sont les relations avec les golfeurs ?
Le plus souvent bonnes. Bonnes sur la qualité de la prestation. Les tensions peuvent survenir dans l’occupation commune de l’espace. Nous n’avons pas d’autres choix. Le golfeur doit savoir que quand le jardinier lève le bras il peut jouer. Ce n’est pas toujours compris et il peut se produire des situations un peu dangereuses si le golfeur joue sans précaution. D’où parfois des tensions. La consigne est donnée aux jardiniers d’éviter les conflits et nous gérons avec Romain les quelques situations litigieuses.
Quels sont les nuisibles qui posent des problèmes ?
Les taupes que nous sommes habilités à éradiquer. Les ragondins sont plus difficiles à à gérer car ils prolifèrent énormément. Nous avons une collaboration extérieure pour cela. La vraie difficulté ce sont les sangliers qui ne peuvent être chassés efficacement en raison de la proximité des habitations et de l’axe routier. Le tir à balles serait trop dangereux.
Quels sont les objectifs à venir ?
Nous devons restaurer les départs ce qui reste le plus gros projet. Nous avons déjà commencé l’an dernier. Nous allons faire six plateaux de départ cette année. Les départs des boules jaunes représentent 80 % des départs et elles sont les plus abimées..
Le zéro phyto va entrainer deux à trois fois plus d’interventions humaines sur les greens et sans doute conduire au recours à de nouvelles méthodes ou techniques.
La solution passera sans doute, comme le font certains golfs, par l’usage de robots de tonte qui libéreront du temps de main d’œuvre. Ça peut être aussi envisagé pour le practice pour libérer du temps de jeu, le ramassage des balles pourrait être aussi automatisé avec des robots.
L’ennemi des greens aujourd’hui c’est l’humidité dont les champignons raffolent avec la chaleur. Il va falloir renforcer l’apport de sable sur les greens car le sable assèche le sol. On va s’équiper de sondes capables de mesurer l’humidité et qui seront des aides à la décision pour traiter.
De même une station météo permettra de mieux gérer les arrosages pour fournir à la plante le juste besoin d’eau.
Le dernier point difficile concerne le parc des machines car il n’y a quasiment plus de mécaniciens sur les golfs. On doit faire appel à des sociétés extérieures et ce sont des coûts.
En conclusion, la période qui vient va être compliquée mais sans doute aussi riche d’innovations.