Etienne, pour débuter, deux mots sur ton parcours ?
Golfiquement, j’ai commencé à jouer en école de commerce, j’avais 20 ans, j’en ai aujourd’hui 56. Je suis index 16 après avoir été 15,4. Je suis arrivé il y a 6 ans en bretagne et je suis actuellement Directeur Data à Rennes School of Business.
Comment devient-on juge-arbitre ? Quelles sont les qualifications requises ? Quelles sont les qualités que tu estimes utiles ?
Précédemment, les arbitres étaient soit Organisateur bénévole de club, arbitre de ligue, arbitre fédéral, arbitre national et arbitre international. Aujourd’hui, le titre Organisateur bénévole de club (OBEC) a été sorti de l’arbitrage. Ce sont des bénévoles qui dans les associations permettent d’organiser la compétition du dimanche et qui interviennent beaucoup sur les grands prix du championnat.
Donc la qualification d’arbitre commence à arbitre de ligue, ensuite arbitre fédéral sur concours, national et international sur nomination. On doit repasser les épreuves tous les 6 ans. En ce qui me concerne ça fait 3 fois que je suis confirmé au niveau fédéral. C’est un concours ultra sélectif pour ceux qui veulent passer d’arbitre de ligue à fédéral.
Comment aller vers cette « vocation » ?
En s’intéressant golf, en ayant le goût du bénévolat et en étant persuadé que c’est intellectuellement enrichissant.
J’ai donc commencé comme OBEC, puis arbitre de ligue et j’ai passé dans la foulée l’examen du fédéral puis assumé les deux ans de stage obligatoire.
Les qualités requises c’est un peu un inventaire à la Prévert : avoir le sens du bénévolat, il faut croire en l’humain, être travailleur et avoir une excellente mémoire compte tenu du panel des situations à maîtriser et des règles extrêmement nombreuses qui s’y rapportent. Il faut avoir des yeux derrière la tête c’est-à-dire avoir une vision globale de ce qui se passe sur le terrain, sans se faire blesser ni déranger les joueurs. Avec humour, je dirais qu’il faut être aussi étanche car un juge arbitre commence à 7 heures le matin et reste sur le terrain jusqu’à ce que la balle du dernier joueur tombe dans le trou du 18, il peut donc rester une journée sous la pluie.
En championnat de France on dispose d’une permanence téléphone pour appeler des arbitres internationaux qui sont de permanence pour les cas les plus difficiles à trancher.
Pourquoi le choix de Cicé-Blossac ?
J’arrivais du golf de Touraine qui est un golf associatif. Et à Rennes j’ai cherché un golf avec un tracé différent. Cicé est un golf un peu à l’américaine, avec un « resort », des trous qui sont très longs, très dégagés. Ça été ma première raison. Une de mes étudiantes, bonne golfeuse m’avait aussi recommandé de venir ici. En plus Romain m’a accueilli avec un large sourire !!
Concrètement, comment se traduit cette mission ?
Basiquement, le rôle de l’arbitre se décompose en trois phases : avant l’épreuve, pendant et après.
Avant on travaille avec les gens du club, l’accueil, les jardiniers, l’équipe de restauration. On ne coordonne pas ces services, on veille juste à ce que chacun ait la bonne information pour effectivement bien faire tourner l’épreuve. Ce sont des échanges qui peuvent commencer 3 mois avant une épreuve. (Exemple : faire enlever des piquets devenus inutiles, faire tondre une zone définie. Etc.). Il y a aussi le balisage du terrain ce qui prend beaucoup de temps car il faut faire des traits à la peinture à la craie, déterminer les positions des drapeaux sur les greens la veille du premier tour avec le concours d’un bon joueur du club pour déterminer les positions faciles ou difficiles. Il n’y a pas de règles mais plutôt des normes, on essaie de faire des cotes mal taillées. On n’arrive pas toujours à l’équilibre parfait mais on essaie d’y tendre. Par exemple pour certains trous comme le 11 à Cicé, et pour les femmes, en raison des arbres, on ne peut pas exploiter tout le green.
On tient compte aussi du type de compétition. En stroke play au trou numéro 1 du premier jour on ne fait des choses trop compliquées ; par contre, le dernier jour, on choisit des emplacements plus discriminants pour assurer du spectacle. En match-play comme c’est du 1 contre 1 on peut corser la difficulté. Par exemple, à Cicé, au trou numéro 9, c’est la seule situation ou le drapeau peut être en bas de green à droite. Le joueur qui a fait attention sait exactement quel club utiliser et quel coup jouer, ce qui lui donne un avantage. En match-play on peut aussi déplacer les départs pour que le joueur qui en prend le risque puisse être sur le green en 1 coup.
Dans les missions figurent aussi l’organisation des départs, la supervision de la préparation de la boite du starter, du tableau officiel, et l’écriture des règles locales propres au club, (comment on place la balle par exemple). Ces règles figurent sur les feuilles de score que trop peu de joueurs lisent. Le matin du tournoi on fait le setup pour vérifier qu’il n’y a pas de dégradations (par exemple, pas de sangliers qui soient venus labourer le sol ou des familles lapins qui se soient installées dans les bunkers). On vérifie aussi les positions de drapeaux. On assure la police des temps de jeux. C’est la partie la moins technique
Après la compétition il y la supervision du recording sachant, qu’ici, l’équipe du club est extrêmement performante comme c’est le cas aussi pour les starters ou le balisage. Il y a enfin le recollement des fiches de scores, la programmation des résultats et l’envoi à la fédération.
Les joueurs trouvent naturel que tout soit parfaitement organisé, ils ne voient rien du travail de l’AS, rien de celui des équipes du club et ne savent pas que c’est en fait un travail énorme.
Sur le parcours comment interviens-tu ?
On élimine le match-play sur lequel on n’intervient pas, les joueurs s’arrangent entre eux. Sauf si bien sûr un joueur nous demande d’intervenir ou pour les temps de jeu afin de veiller à ce qu’il n’y ait pas de retards.
En stroke-play on est plus sollicité mais parfois on peut passer une journée sans avoir besoin d’intervenir. Là aussi, on veille aux temps de jeu pour assurer la fluidité sur le parcours et éviter les retards.
En stroke-play les joueurs peuvent nous appeler à tout moment s’ils ont un doute sur un point de règlement. On va alors se déplacer et tenant compte des règles ou de la jurisprudence on va rendre une décision. On intervient parfois de nous-mêmes pour des problèmes de comportement. (Joueur trop lent ou incorrect ou qui fume malgré l’interdiction) mais jamais avant une mise en jeu. On peut aussi intervenir lors du recording par exemple pour un litige sur un trou du parcours. On donne notre avis et ça peut aller à la disqualification du joueur. A préciser que les disqualifications sont presque exclusivement dues à la méconnaissance des procédures de la part d’un joueur et rarement pour fait de tricherie. Les cas les plus difficiles sont les drops. Par exemple à Cicé le trou N° 11 est extrêmement compliqué à baliser et pour les drops il y a quasiment un arbitre à demeure pour dire quoi faire car le drop, en lui-même, est assez compliqué.
A chaque fois nous avons des récepteurs radios, des golfettes et on peut donc se déplacer très rapidement.
Comment les golfeurs acceptent t’ils les verdicts ?
Globalement plus l’épreuve est cotée et s’adresse à des joueurs de très bon niveau, moins on a de contestation. Tous ces joueurs connaissent les règles et les appliquent. A contrario c’est plus compliqué aux niveaux inférieurs et on peut même avoir des capitaines d’équipes se montrant assez vindicatifs. Un autre constat, mieux le terrain est balisé et la compétition bien préparée, moins il y a de problème et c’est le cas à Cicé. Quand les choses se passent mal on peut aller jusqu’à la disqualification par le comité. C’est assez rare malgré tout.
Quel bilan dresses-tu de ces années de pratique ?
J’ai, entre autres, arbitré un tournoi Pro sur Challenge Tour, une première division filles, j’ai aussi arbitré (entre autres) Céline BOUTTIER, Pauline ROUSSIN, Agathe LAISNE, Clément SORDET, etc. Ça a été pour moi très enrichissant, avec de très belles rencontres tant chez les joueurs que dans les AS et les équipes. Mon regret aujourd’hui c’est que ma profession me laisse moins de temps à consacrer à l’arbitrage. A Tours je disposais de 20 jours par an, maintenant je ne fais plus que deux tournois par an ce qui est limite pour maintenir mes qualifications. En résumé je me fais toujours plaisir et je vois du beau jeu avec parfois des retournements de situation extraordinaires très riches en émotion. En Match-Play, les joueurs peuvent marcher sur les nuages pour des “remontada” extraordinaires.
Pour résumer je dirais qu’on doit maîtriser les règles de golf (elles sont révisées tous les 4 ans), la jurisprudence (parfois des règles peuvent s’opposer entre elles et le principe de « prévalence » s’applique). Le vademecum de la FFG, qui paraît tous les ans, précise comment se déroulent les épreuves.
En conclusion de tout cela, en forme de boutade, il ne faut pas oublier que la règle 0 c’est que « le golf est un jeu » et la règle -1 que « c’est anglais ».